Complément à la Déclaration des Droits de l'Homme
Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1936

La ”Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen”, fondée à Paris en 1898 à l’occasion de l’affaire Dreyfus ”pour défendre les principes et les traditions de la révolution française” et décidée à ”déclarer la guerre à toutes les injustices quelles qu’elles soient”, prend en compte, lors de son congrès de juillet 1936 la dimension sociale de la personne humaine. 
Son ”Complément à la Déclaration des droits de l’Homme”, adopté à la presque unanimité des
 congressistes, appelle à la fondation de la ”démocratie économique” et spécifie (article 4) que 
”le droit à la vie comporte : 

1. le droit à un travail assez réduit pour laisser des loisirs assez rémunérés pour que tous aient largement
 part au bien-être que les progrès de la science et de la technique rendent de plus en plus accessibles,
 et qu’une répartition équitable doit et peut assurer à tous;
2. Le droit à la pleine culture intellectuelle, morale, artistique et technique des facultés de chacun;
3. Le droit à la subsistance pour tous ceux qui sont incapables de travailler”. 

Les droits de l'homme, "droits naturels, inaliénables et sacrés", ont été inscrits dans la Déclaration
 de 1789. Les principes en ont été confirmés et étendus dans le projet de Robespierre, adopté par les Jacobins en avril 1793, et par la seconde Déclaration des droits, votée par la Convention nationale le 19 mai 1793.

Ces principes ont fondé la démocratie politique. Mais l'évolution sociale posant des problèmes
 nouveaux, les progrès des sciences et des techniques permettant des solutions neuves, ces mêmes principes doivent par l'abolition de tous les privilèges fonder la démocratie économique.

Article premier - Les droits de l'être humain s'entendent sans distinction de sexe, de race, de nation, de religion ou d'opinions.

Ces droits, inaliénables et imprescriptibles, sont attachés à la personne humaine ; ils doivent être 
respectés en tout temps, en tout lieu et garantis contre toutes les formes politiques et sociales de
 l'oppression. La protection internationale des droits de l'homme doit être universellement organisée et garantie de telle sorte que nul Etat ne puisse refuser l'exercice de ces droits à un seul être humain vivant sur son territoire.

Article 2 - Le premier des droits de l'homme est le droit à la vie.

Article 3 - Le droit à la vie comporte le droit de la mère aux égards, aux soins et aux ressources que nécessite sa fonction, le droit de l'enfant à tout ce qu'exige sa pleine formation physique et morale, le droit de la femme à la suppression intégrale de l'exploitation de la femme par l'homme, le droit des vieillards, malades, infirmes, au régime que réclame leur faiblesse, le droit de tous à bénéficier également de toutes les mesures de protection que la science rend possibles.

Article 4 - Le droit à la vie comporte :
1 - Le droit à un travail assez réduit pour laisser des loisirs, assez rémunéré, pour que toits aient
 largement part au bien-être que les progrès de la science et de la technique rendent de plus en plus accessibles, et qu'une répartition équitable doit et peut assurer à tous;
2 - Le droit à la pleine culture intellectuelle, morale, artistique et technique des facultés de chacun;
3 - Le droit à la subsistance pour tous ceux qui sont incapables de travailler.

Article 5 - Tous les travailleurs ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à l'établissement des plans de production et de répartition, et d'en surveiller l'application de telle qu'il n'y ait jamais l'exploitation de l'homme par l'homme, mais toujours juste rémunération du travail et utilisation pour le bien de tous, des puissances de création exaltées par la science.

Article 6 - La propriété individuelle n'est un droit que lorsqu'elle ne porte aucun préjudice à l'intérêt commun. L'indépendance des citoyens et de l'État étant particulièrement menacée par la propriété qui prend forme de groupements d'intérêts égoïstes et dominateurs (cartels, trusts, consortiums bancaires), les fonctions que cette propriété a usurpées doivent faire retour à la nation.

Article 7 - La liberté des opinions exige que la presse et tous les autres moyens d'expression de la pensée soient affranchis de la domination des puissances d'argent.

Article 8 - Les fautes commises contre la collectivité ne sont pas moins graves que les fautes
 commises contre les citoyens.

Les représentants du peuple et les fonctionnaires investis par la nation d'un pouvoir de direction ou de contrôle sur l'économie ne peuvent avoir aucun intérêt, accepter aucune place, aucune rémunération, aucun avantage quelconque dans les entreprises qui sont ou ont été soumises à leur surveillance.

Article 9 - Toute nation a des droits et des devoirs à l'égard des autres nations avec lesquelles elle constitue l'Humanité. Organisée dans la liberté, la démocratie universelle doit être l'objectif suprême des nations.

Article 10 - Les droits de l'homme condamnent la colonisation accompagnée de violence, de mépris, d'oppression politique et économique.

Ils n'autorisent qu'une collaboration fraternelle poursuivie en vue du bien commun de l'Humanité, dans le respect de la dignité personnelle et de toutes les civilisations.

Article 11 - Le droit à la vie implique l'abolition de la guerre.

Article 12 - Il n'est pas de circonstance où un peuple soit excusable d'en provoquer un autre. 
Tous les différends doivent être réglés soit par la conciliation, soit par l'arbitrage, soit par une
 juridiction internationale dont les sentences doivent être obligatoires. Tout Etat qui se soustrait à
 l'observation de cette loi se met en dehors de la communauté internationale.

Article 13 - Les nations forment entre elles une société.
Tout peuple attaqué a le droit d'appeler la collectivité internationale à concourir à sa défense.
Tous les peuples ont le devoir de se porter au secours du droit violé.

Article 14 - Tous ces droits se fondent dans le devoir de la société, qui est de combattre, sous toutes ses formes, la tyrannie ; de former des citoyens ; de travailler au progrès intellectuel et moral, ainsi qu'au bien-être des individus et des peuples ; de leur enseigner l'esprit de paix et la tolérance; et d'appeler sur la Terre, à l'exemple de la Révolution française, le règne de la raison et de la fraternité.

(Adopté à l'unanimité moins 8 voix contre et 27 abstentions.)
 
 
 

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